Venez, allez, n'hésitez pas ...

Laissez- moi vous prendre la main et vous emmener dans mon monde.
Pour quelques instants, quittez ce présent.
Je vous invite au rire, à l'évasion, à sauter à pieds joints dans mon imagination.
Alors, on y va?

jeudi 23 septembre 2010

Exil

Ex-ile.
Voilà plusieurs moi que j'ai quitté ce rocher inhospitalier. Cette terre hostile balayée par un vent rugueux et froid, arrosée par ces houles ensorcelantes, caressée par ces langues d'eau salée.
Partie sans rien dire. Eclipsée. Evanouie.
Ex-il.
Partie à cause de lui. Parce que lui. Parce que cette ile sans lui, ce n'est plus nous, ce n'est plus moi. Je ne me conjugue plus au pluriel. Réapprendre à exister au singulier. Je n'est plus nous. Je est redevenu moi toute seule.
Cela faisait déjà quelques temps que nous tanguait comme les frêles embarcations sur l'océan. Mais nous laisser divaguer était une occupation dans laquelle il execellait! Il me laissait dériver, comme happée dans un courant qui approche le rivage sans jamais l'atteindre. J'étais déjà sexilée avant d'être exilée.

lundi 15 mars 2010

Le ventre de Paris


— Il est 6h, tout de suite, les titres de l’actualité. Un homme est décédé cette nuit du froid dans le bois de Vincennes…
Clic.
La voix du réveil résonne dans la chambre et parvient difficilement à sortir Clara de son profond sommeil.
Et puis, un œil, l’autre. Debout.
Douche. Maquillage. Habillage. Café.
La porte de l’immeuble claque. Elle est dehors.
Le froid glace brutalement son visage et ses mains. Comme chaque matin, Clara est saisie par la température extérieure. Cette année, l’hiver est plutôt rude.
Le soleil n’est pas encore levé, les bourrasques de vent balaient les trottoirs encore vides de la capitale. Sa longue chevelure s’envole. Elle ajuste son étole, ses gants de cuir et s’élance d’un pas rapide en direction de la bouche de métro la plus proche.

Même itinéraire. Mêmes trottoirs. Mêmes façades d’immeubles haussmanniens.
Mêmes odeurs aussi. La cave du fromager. Le fournil du boulanger. Et plus loin, la halle aux fruits.
Idem, la surprenante odeur acre et doucereuse de sueur rance et d’œuf pourri qui transpire des murs du métro et saisi la gorge dès les premières marches descendues.

Mais chaque matin, Clara s’émerveille.
Elle s’amuse de l’entrelacs des lignes du métro. Bleues, vertes, violettes, jaunes, ces chemins colorés qui transpercent le ventre de la capitale l’envoûtent.
Un, deux puis trois escaliers. Et hop, elle est à vingt-cinq mètres sous terre. Elle traverse, vaporeuse, la ville de l’intérieur. Hommes, femmes, tous se croisent, s’emmêlent, se poussent, se bousculent. Tous ces corps qui se touchent, cela l’émeut.

Aveugle.
Elle ne voit pas la femme assise dans le recoin près de la vitrine, son enfant dans les bras.

D’elle, les murs du métro ne retiendront qu’une silhouette anonyme, fuyante, un voile parfumé qui s’évapore.

Inenvisageables. Des hommes, des femmes, de l’autre côté de cette paroi.
Plus bas, plus profond, loin des bruits, de la lumière des hommes et de la vie, des êtres privés d’existence, d’identité vivent terrés, repliés, calfeutrés.
Oubliée la cave du fromager, le fournil du boulanger, la halle du fruitier.
Senteurs d’égouts et d’œuf pourri, moiteur si caractéristique du ventre de Paris.
De l’entrelacs coloré des lignes du métropolitain, ils ne connaissent que les rats, les stations désaffectées, et l’insalubrité.

Inconcevables zombies poussés hors du tumulte de la vie. Éjectés du monde des vivants, rayés du monde de la surface.
Des hommes ? Non, des spectres qui survivent comme des animaux. Des pestiférés qui s’acharnent à conserver le peu de dignité qui fait d’eux des êtres encore humains.
Installés dans l’antichambre de la mort, ils attendent. Quoi ? Rien.

Survie. Ultime sursaut de reconnaissance. Parfois, l’un d’entre eux remonte à la surface.
Escaliers délabrés. Urine. Excréments. Déchets puants.
Il s’assoit près de nous. Si proche et pourtant invisible. Son nom, c’était Alain.
Recroquevillé par terre près de la poubelle, il croise ces silhouettes parfumées, ces chaussures cirées, ces mallettes verrouillées, ces milliers de jambes qui tourbillonnent.
Fatigué, il ne tend même plus la main.
Il attend prostré et finalement préfère au mépris et à l’ignorance de tous ces figurants de la vie, l’ennui et la pestilence du ventre de Paris.
Alors, il redescend fuyant toutes les Clara et leurs chaussures de cuir vernies.

Peut-être un jour, elles se rendront compte.
Elles et tous les autres.
Mais alors pour lui, pour Alain, l’ingénieur, ce sera trop tard. Le ventre de Paris aura déjà eu raison de lui.

samedi 10 octobre 2009

Ecolino et l'Or Bleu


_ Il faudrait que tu dises à ces humains de faire attention à ton eau !
_ Oui, mais comment ?
_ Laisse moi réfléchir un peu…
Pendant un long moment, la lune reste silencieuse.
_ Je sais, crie t-elle, soudain. Pourquoi tu ne leur enverrais pas Ecolino ?
_ Ecolino ? Répéte la Terre.
_ Mais oui ! Ecolino pourrait leur apprendre à utiliser l’eau et à ne plus la gaspiller.
[...]




_ Au contraire, dans les parties du monde où il y a beaucoup d’eau douce, les Hommes n’y prêtent pas attention.
Comme l’eau ne manque jamais, ils s’en moquent : ils laissent couler les robinets, remplissent leurs piscines, lavent leurs voitures, arrosent les cultures. Ils ont aussi de grosses usines qui ont besoin de quantités d’eau énormes pour fonctionner.
Et en plus, ils la salissent mon eau : elle est polluée par toutes leurs poubelles et tous les produits qu’ils mettent sur leurs légumes pour les faire pousser.
_ Comme je te comprends… C’est triste dit la lune. [...]



Il est encore temps de faire sa toilette. Dans la petite maison où il s’est installé avec sa famille, Ecolino n’a pas voulu de baignoire parce qu’il faut beaucoup trop d’eau pour la remplir.
Alors pour se laver, il préfère prendre une douche et surtout, il ferme le robinet quand il se savonne.
[...]




























La place

Il était descendu rapidement de l’avion, avait passé les formalités de police sans encombre. Maintenant, il patientait dans le hall de l’aéroport. Il n’avait pas pris la peine d’attendre le responsable de son groupe. Devant le stand qui leur était réservé, il s’était assis sur une chaise et lisait la dernière publication sa bible, l’American Jornal of Cardiology. Absorbé par sa lecture il n’accordait aucune attention aux charmes qui l’entouraient. Aucun état d’âme pour la population bigarrée qui grouillait […]
Il suivait machinalement ces passages étroits, quand soudain, surgit d’un recoin du labyrinthe, comme une apparition, une silhouette couverte de voiles noirs et vaporeux flottant dans les airs.
Quelques minutes après, il déboucha sur une voie un peu plus large, un peu plus passante. Sans doute une partie du souk. Au Riad, le jeune homme lui avait dit de prendre à droite, il irait à gauche. La contradiction était une seconde nature chez lui, et puis à gauche tout semblait plus animé. Il croisait beaucoup de touristes, tellement identifiables, car attifés comme lui. […]

C’est vrai que pour lui, en dehors de la cardiologie, il n’y avait point de salut. Il vivait cardiologie, mangeait cardiologie, dormait cardiologie. Pour s’endormir le soir, il lisait des revues de cardiologie. D'ailleurs, cela faisait maintenant quelques années que sa femme l’avait quitté. Elle, n’était pas cardiologie ! Et à part la beauté miraculeuse de la science, d’un pace maker qui vient au secours d’un cœur trop fatigué, rien sur cette terre n’avait suscité en lui une quelconque émotion. Il était hermétique à tout ce qui n’était pas médical. [...]

lundi 5 octobre 2009

Petites chroniques du plus beau métier du monde

Comme tous les jours ou presque, une trentaine de seconde avant que le son qui sert de cloche - c'est étonnant d'ailleurs qu'il serve de cloche, à dire vrai, on pourrait croire à l'indicatif qu'on entend au milieu des salles d'embarquement à Roissy - retentisse au milieu des couloirs désertés, elle s'installe dans sa classe.
C'est toujours mieux d'être déjà là quand les élèves arrivent.

Et voilà le "bal des dadets" qui commence. Il faut les comprendre, ces jeunes, c'est dur de rester concentré pendant une heure - pardon 55 minutes-. Ils se rangent au compte goutte.
- Peut-être bien que d'ici dix minutes, on aura récupéré l'intégralité de la classe, pense-t-elle doucement, en regardant les yeux soulignés de noir de la jeune fille de 5ème là, devant elle.

- Calmez-vous un peu , vous êtres trop excités ce matin, hurle-t-elle à la cantonade.
Vingt minutes que le cours a débuté et il n'est toujours pas commencé. Elle soupire et attend. Finalement, les élèves se calment, et font silence. Elle a peur de le briser. Une minute de silence est si rare dans ce collège. A croire qu'il leur fait peur.

Elle se décide, reprend le cours où elle l'avait laissé la fois précédente. Alors qu'elle se retourne, elle est surprise par une vague de chuchotis, qui comme le flot, s'éloigne et revient. Rien de bien perceptible. Juste un mouvement discret. Des têtes qui se tournent. Des messages échangés à voix basse. Un rire étouffé.
- Décidément, se dit-elle, aujourd'hui, ça ne va pas être possible. Elle laisse une seconde chance. La rumeur enfle.
- Stop, vous sortez vos TOUS vos carnets de correspondance. Le premier que j'entends à deux heures et un mot à faire signer.

Elle se tourne, reprend la phrase au tableau.
- Chouf le cul de la prof, elle a un string!
La phrase est tombée comme un couperet. Prononcée assez fort pour qu'elle l'entende. Son bras est bloqué en l'air. Le stylo n'écrit plus. Sa respiration est arrêtée. Son visage diaphane empourpré.

La boulette. La méga boulette.
- Faire comme si de rien n'était et sanctionner, réfléchit-elle à toute vitesse.
- D'accord, rangez vos affaires, sortez une feuille, vous faites tous les exercices des pages 18 et 19. Je ramasse les copies à la fin de l'heure et je ne veux rien entendre.
Rebelles et boudeurs, les élèves finissent par s'exécuter.

Alors que le silence règne sur la classe, elle tire sa chaise pour s'asseoir, consciente de la faute qu'elle vient de commettre en négligeant le facteur culotte dans une classe où les ados ont quatorze ans. Et puis, zut! Elle range sa chaise sous le bureau et se promène dans la classe. Elle n'a pas encore fait de barème, mais le revanche du string sera terrible!

jeudi 1 octobre 2009

Lectures de l'été 2009

Voilà enfin, le cru estival 2009. Bonne lecture!!


La part manquante de Christian Bodin

Une série de nouvelles.
Un style élaboré, de belles métaphores.
Et pourtant, je n'ai pas accroché. Les thèmes trop tristes peut être...







Trois roses blanches de Jérôme Cayla

Ah, celui- là, il était attendu! Arrivé par La Poste juste avant les vacances, il a suivi jusqu'en Sicile.

Un père qui cherche à retrouver sa fille, l'enquête d'un détective, le tout saupoudré d'humour et d'un zeste d'amour. Une recherche dans le passé qui ne s'essoufle pas. Bref, un style agréable, une histoire sympathique... De quoi passer un bon moment!




Du rimmel et des larmes de Jacqueline Remy
D'aucuns de demandent encore pourquoi j'ai pris ce bouquin en vacances... Pourquoi même l'ai-je acheté... Ben juste pour avoir le nom du papa de Zohra!
Non, bien sûr. C'est un livre lu uniquement par curiosité. Il est écrit entièrement à charge... Au lecteur de se faire son idée sur la personne sans tout prendre au pied de la lettre...






Villa Amalia, Pascal Quignard

La photo sur la couverture me plaisait bien (comme quoi...), et puis le film avait été encensé. Alors, je me suis dit "Pourquoi pas..."
Villa Amamlia, c'est l'histoire d'une femme qui part et qui plaque tout, qui cherche surtout à se (re)trouver. Le récit est dur, parfois à la limite un peu glauque. Le style est agréable et beau.
J'ai moyennement apprécié, du fat du contexte... Je ne pense pas que ce soit un livre à lire au bord de la piscine...


The fausse note de l'été...
Nan, je ne crache pas dans la soupe. Je n connaissais pas Guillaume Musso. Je n'avais jamais lu ses bouquins. J'ai progressé dans la vie, aujourd'hui hje peux dire "J'ai lu du Guillaume Musso", "J'ai lu Seras-tu là".
C'est la faute de ma voisine, elle m'avait c'est sympa pour lire sur la plage, ça se lit facilement.
Ben, boff quand même.
D'abord, l'idée de rencontrer mon double plus âgée me plait moyen, histoire de goût, je n'aime pas la science fiction. Après, oui, c'est une lecture facile, un style sobre, sans ambages, rien de bien compliqué.


Le petit dernier de l'été: Le petit Malik de Mabrouck Rachedi
La vie d'un gamin de banlieue balayée au fil des ans, de manière rapide, juste et efficace.
Sans faux atermoiements, et avec un style agréable, parfois cynique sans exagération, l'auteur nous fait passer un bon moment.
Je ne dis pas plus "qu'un bon moment" dans mon cas, car j'ai retrouvé dans ces pages des profil de gamins qui pendant les cours n'étaient pas toujours des tendres... Forcément, on sort marqué de tout ça...































jeudi 24 septembre 2009

ECLATS D' AME

_ Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer.
Les mots étaient restés suspendus dans l’air, accrochés aux plafonniers blafards, collés aux murs. Le ton se voulait rassurant, mais la phrase était finalement tellement anodine. Elle vomissait ces syllabes gluantes de compassion, au moins dix fois par jour, dans cet interminable couloir aseptisé, à chaque fois qu’elle conduisait un patient au bloc. La petite silhouette blanche s’activait vigoureusement devant le brancard. Quelques mèches folles s’étaient échappées de la longue natte, et derrière les lunettes rondes en écaille, deux minuscules yeux bleus soulignés de cernes m’adressaient un regard frigide.


_Allez ! Faites pas cette tête-là ! Je vous retrouve tout à l’heure ! avait-elle asséné en poussant brutalement les deux derniers battants qui me séparaient du billard.

Et puis, tout était allé très vite. En quelques secondes, le puissant scialytique m’enveloppa d’un halo aveuglant. Des gens s’affairaient tout autour de moi, comme dans une ruche. Le masque à oxygène sur la figure… L’odeur de plastique désinfecté… Compter jusqu’à dix…
_1… 2…

Le trois ne sort pas, reste bloqué dans le fond de ma gorge. Je le pousse, mais il refuse de s’exprimer, de se révéler. Une chaude et douce torpeur m’envahit. Les visages flous tourbillonnent. J’aperçois, comme au travers d’une épaisse plaque de verre dépolie, des bavettes de chirurgiens vertes, blanches, ou bleues à grandes visières, qui ondulent dans une danse rituelle et me narguent. Soudain, le trou noir. Ils ont tous disparu. J’erre seul dans de longs couloirs sombres et sans fin. Quelques éclats de voix parviennent à mon oreille, mais ils me semblent si lointains. Un bip strident et cadencé m’accompagne. J’avance grisé, titubant, noyé dans cet imbroglio de passages, de portes jaunasses désespérément closes. Je me perds dans ce labyrinthe. Je panique, je courre, je m’enfuis, je vole. Le bip jusqu’ici si régulier s’affole. Devant moi, une baie vitrée, de la lumière bleue. Les voix se rapprochent. La fenêtre ne s’ouvre pas. Je suis prisonnier. Je m’enfonce sur la gauche dans un boyau noir mais une force me retient, m’empêche de poursuivre dans cette direction. Face à moi, un homme danse, grimé de dessins ocre et rouge, vêtu d’une jupe de paille, il porte le masque des ancêtres. Sculptés dans ce bois millénaire, des milliers d’yeux m’observent, pauvre âme perdue dans ce dédale. Le mage me fixe, m’attend quand un filet de lumière éclabousse mes pupilles. Soudain, au-dessus de mon corps inerte des regards ondoient, des visages verts, bleus et blancs déformés par la surprise et la peur m’examinent, puis s’égarent dans une farandole folle. Un feu aveuglant et vigoureux réchauffe mes membres et m’élève. Le sorcier me tend la main. Les êtres cachés sous les bavettes stériles s’étiolent et disparaissent. Je marche dans le faisceau lumineux, apaisé, d’un pas lent et décidé, vers un ailleurs incertain. Derrière moi, les marionnettes de ouate beuglent des sons que je ne perçois déjà plus.