Venez, allez, n'hésitez pas ...

Laissez- moi vous prendre la main et vous emmener dans mon monde.
Pour quelques instants, quittez ce présent.
Je vous invite au rire, à l'évasion, à sauter à pieds joints dans mon imagination.
Alors, on y va?

jeudi 23 octobre 2008

Derrière l'écran, 10


Une douleur piquante dans sa hanche droite l’obligea à ouvrir les yeux. Elle déplia doucement ce corps osseux et endolori de la longue nuit passée sur le parquet froid. Ses yeux gonflés et rougis la faisaient souffrir, tout autant que les battements sourds qui se répercutaient comme un écho dans sa tête. Elle rampa jusqu’à sa paillasse et s’y étendit comme elle put. Elle observait son réveil comme un objet étranger. Il était presque midi. Elle tenta d’abord de se lever, prise de panique. Qu’allait-elle dire à son patron ? Et puis, zut ! Elle se laissa lourdement glisser sur le lit, se roula en boule et attendit.

Les yeux hagards, elle fixait le vide. De temps en temps, elle levait son regard fragile vers la petite fenêtre. Elle s’amusait à deviner le temps qu’il pouvait bien faire dehors. Tout mouvement lui semblait impossible. Ses membres engourdis refusaient de bouger et elle ne se sentait ni la force ni l’envie de les remuer. Alors, elle était restée là. Plusieurs heures s’étaient écoulées, puis plusieurs jours et plusieurs nuits. Toute trace de vie semblait la quitter. Elle n’avait plus faim, plus soif. Le feu de la vie s’éteignait inexorablement. Cette petite mort qui la rongeait prenait le dessus. Toutes ces années, elle était restée tapie là, imperceptiblement, et aujourd’hui, elle emmenait Magali.
Qui donc se soucierait d’elle ?

Trois jours plus tard, le patron de la cordonnerie qui s’était fait remettre par précaution, un double des clefs de la « fille Drectaut », « au cas où », pénétra dans le studio. Il était loin d’imaginer ce qu’il allait trouver. Il remarqua immédiatement le corps inerte de Magali. C’était un corps décharné, à peine caché par les tissus souillés qui le recouvraient. Il lui parlait, mais elle ne réagissait pas.
Paniqué il se jeta sur elle, et la secoua, mais elle ne semblait même pas le voir. Ses yeux, grands ouverts, fixaient un point sur le mur sale de sa chambre. Un semblant de sourire donnait à son visage l’impression qu’elle était ailleurs.
Il eut un mouvement de recul quand les odeurs corporelles de Magali se répandirent dans la pièce. Elle n’avait pas bougé depuis trois jours. De loin, il la contemplait. Il l’avait toujours trouvé jolie, mais savait qu’il ne pouvait rien faire d’elle. La seule fois où il avait osé s’approcher d’elle, elle avait fui et lui était trop ivre pour réagir. Mais là, elle était à sa merci.
Peut-être, ignorait-elle jusqu’à sa présence ?
Il s’approcha doucement. Elle ne bougeait toujours pas.
Alors, il s’assit sur le bord du lit avec mille précautions. D'abord, il caressa ses cheveux, puis son visage. Comme elle ne réagissait toujours pas, il déboutonna délicatement la veste du pyjama, et lui caressa la poitrine pendant de longues minutes.
Il brûlait d’envie de la dénuder complètement.
Il glissa une main dans le pantalon de son pyjama. La peau de Magali était douce, mais elle était froide, complètement glacée et comme elle était toujours complètement inerte, il prit peur. Il la rhabilla, remonta la glissière de son pantalon, quitta rapidement l’appartement et regagna la cordonnerie. De là, il aviserait. Il ne pouvait rien décider, comme ça, dans cet état d’esprit.

Il ferma son atelier un peu plus tôt que d’accoutumé et se risqua chez le vendeur informatique dans la boutique d’à côté. Il n’avait jamais rien dit, mais il avait bien remarqué le petit manège de son employée avec le beau mâle. Il savait que Magali l’aimait bien et comptait sur lui pour l’aider à sortir la fille de ce pétrin. Alors, il lui raconta son absence, la visite effectuée le matin même, en omettant bien sûr les attouchements qu’il avait pratiqués. À eux deux, ils pourraient la laver, lui donner à manger, s’occuper un peu d’elle et de son studio. À peine le vieux avait-il achevé son histoire, que le jeune homme fermait boutique et marchait d’un pas pressé aux côtés du vieux bonhomme, vers Dugommier, pour aider Magali. Le vieux haletait, mais il suivait le jeune sans rien dire. Arrivé devant la porte, il lui tendit la clef. Ils entrèrent tous deux dans la petite chambre. Une odeur nauséabonde les saisit à la gorge et à part une paillasse souillée et un ordinateur allumé, la chambre était vide.

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