Venez, allez, n'hésitez pas ...

Laissez- moi vous prendre la main et vous emmener dans mon monde.
Pour quelques instants, quittez ce présent.
Je vous invite au rire, à l'évasion, à sauter à pieds joints dans mon imagination.
Alors, on y va?

jeudi 5 février 2009

Poussière de craie, 6


Mais ce lendemain matin-là, je me récite le poème et je le connais. Je ne bute sur aucun mot. La tête tournée, le regard vagabondant au travers des baies vitrées de la classe, je ne vois pas le sourire sadique que madame Reynald affiche en ayant enfin trouvé son oiseau. Je tressaille quand elle prononce mon nom.
Terrorisée, je quitte ma place à petits pas pour rejoindre le tableau. Je me sens comme un gladiateur jeté dans l’arène. Les élèves sont les cruels spectateurs, prêts à s’esclaffer à la moindre erreur. Le maître incarne l’empereur tout puissant. Pouce levé si la prestation est bonne, vers le bas si le poème est mal récité. Mes jambes tremblent. Je me colle presque au tableau. Le souverain a regagné son bureau. Il est tout ouï. L’odeur de la craie mêlée à celle de la colle Cléopâtre, chatouille mes narines. Du bout de ma sandale, je joue avec la poussière de craie et une goutte d’eau tombée du seau où flotte, dans un jus grisâtre, une éponge sale, attendant l’instant fatidique où la maîtresse fera signe de commencer. Mon cœur bat à la chamade. Elle acquiesce d’un mouvement de tête et c’est parti. Je me lance et récite sur un ton monocorde.
Monocorde certes, mais sans faute.

Les vers résonnent encore dans mon esprit. Je souris béatement.

Je revois les mots écrits, de ma petite main, avec difficulté et application, au stylo bille bleu, sur la page douce du papier Clairefontaine. Je vois les pleins et les déliés d’une hauteur d’un interligne pour les minuscules et de deux interlignes pour les majuscules de couleur rouge. Je distingue le dessin qui illustrait le poème, maladroitement dessiné sur la feuille blanche faisant face au feuillet quadrillé. Et soudain, ces mots, ces dessins, ces lettres se détachent lentement. Ils quittent ce carcan scolaire et ondulent au milieu des pages du cahier de l’élève. Ils reprennent leur liberté, s’affranchissent du joug de l’écolière malhabile qui n’a pas su déceler la beauté, l’impalpable, et le magique dans ce petit texte.
Tous dansent.
C’est une farandole de lettres, de mots, de verbes conjugués qui tournoient dans ma tête.

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